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Les amis de Salim Jay
23 juillet 2007

Critique d'Embourgeoisement immédiat dans Le Matin du Sahara

Salim Jay ou le paradoxe du clown

Bibliomane de renom, essayiste, romancier, critique littéraire, Salim Jay est tout cela à la fois. Né à Paris d’un père marocain, grand poète entre autres, et d’une mère française, il est l’auteur de nombreux essais et romans : « La semaine où madame Simone eut cent ans », « Portrait du géniteur en poète officiel », « L’oiseau vit de sa plume » pour ne citer qu’eux. Il a été le premier à répertorier les écrivains marocains dans un petit dictionnaire.

Cet écrivain prolixe à l’humour sans concessions vient de publier un nouveau roman dont le titre promet un chef-d’œuvre d’ironie. « Embourgeoisement immédiat » est un titre qui en dit long sur le contenu de ce récit à base d’autodérision.
Loin de tout onanisme autobiographique, l’auteur, s’exprimant à la première personne, met l’accent sur l’absurdité des aléas du quotidien, celle des attitudes des humains vis-à-vis des choses matérielles et de leurs semblables.

De sa relation tumultueuse avec la propriétaire de son logement parisien, il décrit toute une série de situations cocasses, « ... Je venais de dire au bistrotier d’en face que le sandwich de madame était pour moi, elle repartait furibarde de s’être vu offrir un sandwich au jambon par un type qui lui devait l’équivalent de huit cents sandwichs au jambon. Sa question fétiche m’était à nouveau posée vingt-quatre heures plus tard : "Vous avez pensé à moi, monsieur Jay ?"... » Elle finit par le mettre à la porte.
Un appartement relais lui est alors prêté à La Baule, il admire en hiver la plus longue plage d’Europe. Soudain, le miracle !
Un vrai oncle d’Amérique ! Le voici presque riche et parachuté à San Antonio au Texas. De retour à Paris, il se retrouve propriétaire d’un appartement et en arrive à regretter le temps de la dèche.

Au-delà de la légèreté du ton avec lequel Salim décrit le quotidien, le lecteur peut entrevoir une amertume et un esprit critique rappelant le paradoxe du clown.
Ce récit lui sert de prétexte pour montrer toute l’inconsistance du réel, la duplicité des uns, la stupidité des autres, l’incompatibilité des systèmes de valeurs entre riches et pauvres, les préjugés abjects et tenaces que les uns ont sur les autres. En une phrase, ce roman est une fresque bariolée de la condition humaine. « Embourgeoisement immédiat » se lit d’une traite. Salim Jay mêle humour et gravité dans un style accrocheur et cinglant par la puissance de sa dérision.

Dans ce petit monde qu’il a créé, on rencontre des romanciers et des poètes, des militants et des inconstants, toute une foule de personnages tantôt imaginaires tantôt tirés du réel, mais surtout une angoisse de vivre qu’il tourne en ironie, comme un mécanisme de défense qui lui permet de supporter cette sacro-sainte réalité.
Plus qu’un simple roman, cet opus est une véritable leçon d’écriture. L’auteur y arbore un sens de l’anecdote, un goût pour les retournements de situation et une maîtrise de la digression qui ouvrent la voie à plusieurs degrés de lecture.

(Editions de La Différence, France, 2006) Disponible au « Carrefour des Livres » Casablanca

© Mustapha Bourakkadi | LE MATIN

http://jeunesdumaroc.com/breve4306.html

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