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Les amis de Salim Jay
27 avril 2008

La critique de "Victoire partagée" par Patrick Besson

La Marocaine libertine de Salim Jay


Fouzia - en arabe «la gagnante», d'où son prénom français Victoire - est une jeune femme libérée par elle-même. Son histoire d'amour, ou plutôt ses histoires d'amour, sont racontées par son petit ami intermittent du spectacle. Et d'elle. Fouzia le trompe avec un metteur en scène. Dans «metteur en scène», ainsi que de nombreuses jeunes actrices et quelques jeunes acteurs l'auront constaté depuis l'invention du théâtre, il y a metteur. C'est à l'amant de sa fiancée que, dans Victoire partagée, s'adresse le narrateur. Dans un long monologue camuso-dostoievskien. C'est la chute de l'éternel mari. Un homme que sa femme trompe, trompe l'homme avec qui sa femme le trompe en couchant avec sa femme qui le trompe. Dans l'adultère, l'amant est aussi cocu que le mari. Pour le reconnaître, on l'appellera le cocul, ce qui devrait plaire à Salim Jay, amoureux des mots et de leurs jeux. N'ouvre-t-il pas son nouveau roman par une citation de loyce: «Bouche, couche. En quoi la bouche est-elle une couche? Ou la couche une bouche?» L'affaire se complique quand Fouzia l'insatiable - l'insasable comme on dit dans le désert marocain qui ne verra plus le Paris-Dakar - prend un second amant: son boss Odilon. Après le ménage à trois, la saleté à quatre. Quand votre femme a un amant, c'est rageant. Quand elle en a deux, c'est comique. Le narrateur a dépassé la colère pour entrer dans le rire, puis vient le moment de l'admiration bigame. Fouzia l'enchante. L'épate. Il jouit, un peu seul, de sa merveilleuse liberté. Elle organise un déjeuner au Balzar entre le metteur en scène et le comédien. Maintenant, je ne regarderai plus jamais les clients du Balzar de la même façon. Les deux hommes font assaut d'impassibilité, tandis que Fouzia, «en robe tunique s'arrêtant à mi-cuisses», part rejoindre le troisième larron.31NuHReMItL

Un ami du couple, ou plutôt du trio, en fait du quatuor, est Aladin, qui aie même âge, les mêmes obsessions, notamment les centaines d'immigrés clandestins qui viennent mourir sur les plages des Açores, et a écrit les mêmes livres que Salim Jay, c'est donc Salim Jay. Né en 1951 à Paris d'un père marocain et d'une mère française, c'est un touche-à-tous-les écrivains. On lui doit des études frissonnantes et sincères sur Madame Simone, Michel Tournier, Bernard Frank, Henri Thomas, Angelo Rinaldi et lean Freustié, ainsi qu'un célèbre Dictionnaire des écrivains marocains (Paris Méditerranée-Eddif, 2005). Sa première tentative, à ma connaissance, de roman psychologique parisien est une réussite sombre et penchée à la Drieu la Rochelle. Ce n'est plus l'homme couvert de femmes mais la femme arabe couverte d hommes. Moiteur des sentiments, immobilité des esprits. La phrase de Salim Jay raisonne français et sonne arabe, c'est la danse du ventre qui monte au cerveau.

Patrick BESSON


Marianne, Samedi 29 Mars 2008 -

VICTOIRE PARTAGEE, roman de Salim Jay, La Différence, mars 2008

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